Interview de Mr Denis Toupin, Dr. de la Maison de France à Sfax : Olive et diversité, de l’héritage à la transmission

 

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 «Olive et diversité : de l’héritage à la transmission»,

un colloque du « Projet Olive de Tunisie 2010 »


Les ressources immatérielles de la région de Sfax, comme dans toute région à fort potentiel culturel, sont celles qui, lorsqu’elles sont mises en commun, sont susceptibles de créer un mouvement de redécouverte de la culture, la sienne parfois puis naturellement celles des autres. La notion de valorisation culturelle ou matérielle est centrale et n’est valable que si elle est mise en commun : je t’apporte quelque chose de nouveau, tu m’apportes quelque chose de nouveau. Ensemble travaillons dans l’intérêt commun de la société dans laquelle nous vivons, pour y vivre mieux. L’élément du bien être humain est central en effet et c’est autour de lui que peut se développer la notion de partenariat. Celle-ci se décline souvent de manière locale et dépasse parfois les frontières de la ville, de la région, du pays, tant les valeurs d’échange, peuvent être mises en commun pour un grand nombre de domaines matériels et immatériels. C’est particulièrement le cas dans la zone méditerranéenne ; assurément le cas pour l’un des éléments les plus fédérateur de cette zone géographique et culturelle : l’Olive.


La Gazette du sud a rencontré M. Denis TOUPIN, Directeur de la Maison de France à Sfax. 

 


Cette institution qui représente l’Ambassade de France en Tunisie pilote depuis quelques années en collaboration avec la société civile de la ville de Sfax, des micros projets de mise en valeur du patrimoine naturel et immatériel de la région. Voici quelques extraits de la rencontre :


Quel est le message porté par "Projet Olive de Tunisie 2010" ?
 

DenisLeSfaxien

Le message du « Projet Olive de Tunisie2010 » est un message d’espoir auquel ont souhaité répondre des institutions tunisiennes (Ministère de l’Agriculture, Ministère de l’Enseignement supérieur, Ministère de l’Éducation et de la Formation, Ministère du Commerce et de l’Artisanat), un grand nombre d’entreprises basées dans la région de Sfax, des associations, des individus passionnés par le patrimoine de leur région et leur pays et enfin l’Institut du Monde arabe, basé à Paris. Le projet a été lancé par l’inauguration de l’exposition « L’olivier en Méditerranée », présentée à la Maison de France à Sfax par l’Ambassadeur de France en Tunisie, Pierre MENAT.



Quel est ou quels sont les enjeux du "Projet Olive de Tunisie 2010" ?

Le « Projet Olive de Tunisie2010 » n’a pas pour ambition d’initier des nouveautés en termes d’Olive, il s’attache à mettre en valeur avec les uns et les autres, ceux pour qui l’olive est la vie, (l’Institut de l’olivier, les entreprises oléicoles, les oléiculteurs, bref les Sfaxiens dans leur plus grand nombre) une dynamique de valorisation de l’existant auquel s’intéressent les habitants de cette ville depuis des dizaines de générations.
Il est vrai que l’olive est omniprésente chez les Tunisiens. Rappelons-le, surtout aux jeunes générations…
C’est précisément le message que souhaite transmettre le colloque du « Projet Olive de Tunisie 2010 » organisé à la Foire de Sfax vendredi 7 mai 2010. Ayant pour titre «Olive et diversité : de l’héritage à la transmission», il a proposé une vulgarisation des connaissances et techniques ayant trait à la recherche scientifique, aux problématiques nutritionnelles, à l’Histoire comme aux données commerciales et industrielles de l’olive. L’olive et l’olivier font perpétuellement l’objet de recherches, tant par les scientifiques que les historiens, les archéologues ou les agronomes. Actuellement, les spécialistes se penchent sur les aspects innovants et technologiques de production et de consommation : exploitation, amélioration génétique, lutte biologique, modes de consommation et de conservation, et s’intéressent aux différentes utilisations existantes.


Comment s’est articulé le colloque ?
Le colloque a constitué une trame de réflexion pluridisciplinaire organisée selon deux axes : une matinée dédiée à la vulgarisation des connaissances scientifiques et techniques, aux problématiques nutritionnelles et aux données commerciales et industrielles tandis que l’après midi a été consacrée aux volets culturels, patrimoniaux et immatériels de l’olive. Leitmotiv, de cette journée, la valorisation a ponctué l’ensemble des interventions. Elles ont donné lieu a des recommandations, exprimé des vœux, transmis des rêves que les membres de la société civile auront à cœur réaliser.
Y a t’il eu des idées nouvelles en terme de recherche sur l’Olivier ?


M. Boubaker KARRAY, Directeur général de l'Institut de l'Olivier à Sfax, se basant sur la recherche et  l’expérience acquises par l’institution qu’il dirige, a suggéré que de nouvelles variétés locales d’olives soient créées, l’un des éléments qui permettait de développer des capacités d’adaptation, grâce en particulier aux études prospectives menées actuellement par ses équipes, afin de déboucher sur une valeur ajoutée pour la Tunisie. « Il faut savoir ce que font les autres (L’Espagne, l’Italie, la France, la Grèce) pour développer le renforcement de la compétitivité, non seulement sur le plan de l’huile mais aussi sur ce qui portait il y a seulement quelques années le qualificatif de sous produits mais qui deviennent, à la faveur de la recherche et la crise aidant de véritables produits de l’olivier », portant désormais une valeur commerciale et qui méritent de voir se développer autour d’eux une industrie annexe (bois de taille et gros bois, grignons, margines  et même feuilles !). Une valeur ajoutée qui selon Mme Naziha GRATI-KAMOUN, chercheur à l’Institut de l’Olivier, va de pair avec le développement du potentiel de la biodiversité qu’offre l’Olivier.


Et les applications à l’industrie, la dynamique du commerce dans tout ça ?

En termes d’application de la recherche, Dr Sami SAYADI, chercheur au Centre de Biotechnologie de Sfax (CBS), l’un des centres les plus à la pointe de la recherche biotechnologique de la région méditerranéenne, que dirige Dr Hammadi AYADI, a évoqué la dynamique de la valeur ajoutée grâce à la recherche aux niveaux énergétique d’une part (création de biogaz, bien si précieux en ces temps de crise énergétique) et médical d’autre part, pour le traitement en particulier des problèmes hépatiques et de diabète. Au bout de la chaîne de l’olive, se trouvent les dynamiques du conditionnement, de la commercialisation et par conséquent de la valorisation de l’image de marque de l’huile tunisienne. A cet effet, M. Abelaziz MAKHLOUFI, PDG de CHO, sous forme d’un message original plein de passion, basé sur une expérience vécue dans le domaine du commerce de cet or liquide, a transmis à l’assemblée sa vision. Elle va de pair avec celle des scientifiques car elle consiste à encourager la recherche à donner un avantage compétitif spécifique à la Tunisie, basé sur les excellentes conditions d’exploitation de l’olive en Tunisie dont il convient de se faire l’écho dans le monde entier.


A quand une musée de l’Olive à Sfax ?

Le rêve des Sfaxiens ! Au plan immatériel, l’historien Ali ZOUERI, a appelé les uns et les autres à pérenniser le culte et l’amour de l’olivier en Tunisie, par la création en particulier d’un musée de ce type à Sfax, qui soit véritablement tourné vers l’avenir et qui puisse recueillir une audience méditerranéenne. C’est aussi sur cet aspect du rêve sfaxien de la création du musée de l’Olive que la jeune architecte Meriem MHIRI a donné à voir le travail complet qu’elle a réalisé dans un cadre d’une étude compète sur le sujet.


Comment le projet fait-il le lien entre l’Olive et le handicap ?
Reprenant le principe de la valorisation de la personne autour du concept unique de l’olive, des graines de solidarité ont été lancées par l’Association al MOUROUA d’aide aux polyhandicapés. C’est dans ce cadre que le livre bilingue de recettes et de proverbes basé sur l’olive et illustré par Raouf KARRAY a été signé par ses auteurs et mis en vente. Les ventes qu’il engendrera seront reversées au profit de l’association Al Mouroua. Plus que de solidarité c’est bien d’inclusion qu’il s’agit, permettant à tous, de trouver sa place dans la société.


Le "Projet Olive de Tunisie 2010" s’est intéressé au domaine des beaux arts semble t-il ?
Oui, ce sont les domaines du design et les travaux des étudiants de l’Institut Supérieur des Arts et Métiers de Sfax qui ont fait l’objet d’une présentation designer parisien Germain BOURRE et de l’enseignante des beaux arts, Mme Hela MAKNI. Entre croisement des savoir faire et projets de création pour lesquels on pose les bonnes questions, la rencontre à Sfax des deux professionnels du design a donné lieu à des exercices de mise en forme d’objets originaux, en particulier dans le domaine en développement du design culinaire. Comment mettre en scène l’olive ou son huile dans une perspective de valorisation du produit ? Cette question ouverte à laquelle les designers français et tunisien ont commencé de répondre cette année aura l’occasion d’être reposée si l’invitation d’une collaboration entre l’Institut de l’Olivier, l’institut Supérieur des Art set métiers et la Maison de France faite par M. Boubaker KARRAY, est relevée à Sfax en 2011dans une perspective stratégique au sein de la pépinière d’entreprise de l’Institut de l’Olivier. Il s’agit bien de fournir un écrin à l’olive et de célébrer les collaborations transméditerranéennes, en l’occurrence franco-tunisiennes dans les domaines de l’application des recherches.


Ceci veut il dire que le "Projet Olive de Tunisie 2010" a été clos par le colloque ?

Non ! La dynamique du « Projet Olive de Tunisie2010 » se poursuivra jusqu’à la prochaine saison de l’olive avec le concours de photos, ouvert à tous les Tunisiens Ce concours de photos est organisé en partenariat avec l’Institut du Monde Arabe à Paris (http://www.imarabe.org/) et Artquid (http://www.artquid.com/), site de marché dédié au monde de l’art. Performant et sérieux, c’est une référence pour de nombreux artistes du monde entier. Le site accordera aux lauréats et primés un accès gratuit et illimité à ses cimaises virtuelles pendant une année : l’occasion de voir un travail récompensé et reconnu dans le monde de la photographie. Quant à l’Institut du Monde Arabe, il accepte de soutenir ce concours et organisera une exposition des photos des gagnants et nominés dans ses locaux à Paris courant 2011. Enfin, de nombreuses dotations seront à gagner, pour un montant de 15 000 DT. Lancé en mars dernier grâce au blog http://concours-photo-olive-de-tunisie.2010.over-blog.com/ et organisé par Monsieur Jean-Loup de Sauverzac, photographe parisien, ce concours s’adresse à tous les Tunisiens, qu’ils vivent en Tunisie ou à l’étranger.
Je vous demande d’en faire la promotion, car en soutenant le concours, on soutient non seulement le secteur de l’Olive et sa place dans le monde mais on met en avant la Tunisie et sa place dans le monde méditerranéen.

 


Et après ? Des projets pour l’an prochain ?

 

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Les projets les plus ambitieux, sont toujours ceux qui sont lancés ensemble, avec la société civile de Sfax. Le "Projet Olive de Tunisie 2010", à l’instar des projets précédents « Projet Felouque de Tunisie 2008 » et « Projet Sel de Tunisie 2009 », s’insère dans les grands projets nationaux Tunisiens, aborde d’un point de vue intégré la problématique de la mise en valeur au sens le plus large possible comme je l’ai précisé précédemment. Nous avons ainsi travaillé sur la mer en 2008, la zone humide et les salins en 2009 enfin sur l’arrière pays de Sfax en 2010 avec l’Olive. Sfax, grande ville-port Méditerranéen a beaucoup de choses à dire au monde et peut attirer l’attention de nombreux autres pôles portuaires de Méditerranée ou de France. Les Accords Euromed font la part belle aux ports qui ont sensiblement augmenté leurs activités liées au transport de marchandises conteneurisées. Ce phénomène est porté par l’expansion économique des pays du Maghreb qui conduisent les compagnies maritimes à multiplier leurs services directs depuis l’Extrême-Orient et à renforcer leur desserte intra méditerranéenne. Je pense que la thématique du port permettrait de donner à Sfax et à ses habitants ce qui est placé au centre des concepts des projets menés jusqu’à présent : la valorisation.

 

© La Gazette du sud

 


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